lundi, novembre 13, 2006

Achtung Zobi

Les amateurs de musique électronique français lisent peut-être Trax, et peut-être sont-ils comme moi déçus de la décomposition progressive de ce magazine. La critique se fait name-dropping, les article démontrent souvent un travail de recherche limité à trois coups de google, et parfois l'ignorance est érigée en critère de qualité, le dernier numéro en offre un exemple flagrant lors du minuscule encart passant en revue l'incroyable nouvel album de Zombie Nation, réduit au rang de "bonne surprise", parce que le journaliste revendique n'avoir pas spécialement écouté les deux précédents (la présence du single Souls at Zero en point d'orgue du Bugged Out d'Ivan Smagghe n'était apparemment pas suffisante pour extirper ce professionnel consciencieux d'une réflexion bouleversante sur la "nouvelle scène française", ou d'un d'un débat aussi utile que "pour ou contre la techno minimale", pour aller découvrir son opus précédent, Absorber).
Je pourrais ainsi étendre à l'infini la liste des tares (les platitudes sur la folk, le rock, la disparition progressive de toute considération musicale, les retournements de veste éhontés, l'introduction de rubriques extra-musicales, qui tendent à ramener ces genres qui me sont chers à leurs manifestations les plus sociologiquement douteuses, les cautions de prestige attribuées à des "people" du milieu à l'expertise plus que douteuses {je pense en particulier à un blind-test confié à rédacteur de revue spécialisé dans la vie nocturne parisienne ou à l'incroyable encart nous offrant l'opinion de Tekilatex sur Squarepusher, dont il avoue volontiers détester la quasi intégralité des travaux, pour nous proposer par la suite en tant que points culminants de sa carrière les deux titres les plus connus de l'anglais "on ne parlait que de ça avec Paraone et les autres ". mortel.}, j'en passe et des pires) qui criblent cette revue sans vraie concurrence, mais je vais cibler ma déception, que je sais stérile, certains problèmes ont vraiment la peau dure, sur une phrase précise qui va servir d'introduction au mp3 du jour:

Skatebard - Boyvox



Un des hurluberlus de Trax croit dévaluer Skatebard en disant de son disque que "malgré quelques fulgurances, il caresse plus l'oreille qu'il ne l'accroche". Ma foi, voilà une excellente illustration de l'axe Bergkamp/Rool évoqué dans le post précédent. Trax exemplifie avec brio la tendance à une conception traumatique du son, à une culture de l'impressif qui, c'est mon opinion personnelle, ne tient pas la route. On devine que derrière cette conception de l'écoute se cache une interrogation sur l'utilité sociale du disque, de type: "quel profit m'apporte ce disque?, contient-il le morceau que je vais pouvoir utiliser dans ma conversation du soir?, ou encore, me fournit-il, une nouvelle définition de la pop (formule traxienne relevée dans le dernier numéro)". Loin de moi l'idée de critiquer un primat accordé à l'innovation, mais encore faut-il laisser sa chance aux efforts les moins visibles; d'où, à mon avis, le retard systématique pris par Trax sur chaque nouveau mouvement significatif de l'electro.
J'ai découvert Skatebard dans un mix de haute volée exécuté par Michael Mayer (qui distribue l'album via son label), disponible gratuitement grâce à l''émission de radio new-yorkaise Beats in Space (podcastable). J'ai été immédiatement séduit par ce son disco digital, faisant la part belle aux superpositions de boucles tournant sans relâche, quitte à laisser penser que la construction du morceau manque de relief. Le morceau proposé ici joue avec les limites du concept de disco, avec son beat housey résolument midtempo, ultra nonchalant mais accrocheur, et ses harmonies de clavier à la limite de la dissonance, formées de nappes très longues à la hauteur changeante, opérant d'incessants glissements d'une note à l'autre. Même le gimmick vocal fonctionne comme élément plus narcotique que dynamique. On y retrouve malgré tout de vrais motifs de musique de club, en particulier dans les petits breaks qui ponctuent le morceau, achevant de le rendre hybride. Ce type de morceau, volontiers qualifié de "mental", très répétitif et n'utilisant quasiment que du synthétiseur, requiert un type d'écoute très spécifique, et justement Skatebard propose avec humour dans le livret de son disque: "this record is best experienced on a portable music player, on an evening walk in your nearest forest or park". Vous savez ce qui vous reste à faire.

Aucun commentaire: