Bonjour à tous
Après un mois sans communication téléphonique, sans internet, à bouffer des barbecues approximatifs étrangement préparés par mon père, à lire le télétexte la nuit en sirotant une bière, à bouquiner des choses mystérieuses sorties de cartons inconnus, à écouter les 700 et quelques mp3 jamais lus dans mon ordi, à revivre le parcours poignant des Beatles en intégralité, à chercher le meilleur porte-clés possible dans la maison, je suis parvenu aux conclusions suivantes:
Pour ce qui est de l'article (à télécharger en pdf) évoqué plus haut, "la stratification sociale des goûts musicaux", de Philippe Coulangeon, revue française de sociologie, 2003, qui se veut une spécification de la thèse développée dans les premiers chapitrees de la distinction de Pierre Bourdieu, je retiens sept points pour l'avenir:
1. les goûts musicaux sont une caractéristique particulièrement classante (en tant que culture non scolaire) socialement. cf. La Distinction
2. Peterson et Simkus, 1992, avancent l'idée selon laquelle l'éclectisme caractérise les goûts musicaux des classes dominantes ; c'est du moins la dynamique actuelle. L'attirance exclusive pour les arts savants renvoie à une forme de snobisme. (≠ La Distinction, Bourdieu y soutient que les formes de cultures les plus légitimes sont les plus classantes).
3. Dictinction entre produits consommés et manières de consommer, ainsi, le goût des classes dominantes pour les arts populaires relèvent d'un « privilège de symétrie dont disposent les dominants », en d'autres termes, un « droit de cuissage symbolique » (Grignon et Passeron, 1989).
4. Distinction entre les définitions génériques s'appuyant sur des critères esthétiques et celles qui prennent en compte des critères fonctionnels
5. L'importance de l'éclectisme n'est flagrante que si on la complète par une combinatoire des genres musicaux écoutés. L'éclectisme total n'existe pas de manière significative. (cf La Distinction, dont l'étude statistique sur les goûts musicaux permet de voir qu'à l'intérieur de chaque genre musical se rejoue la hiérarchie de la légitimité).
6. Peterson et Simkus: trois phases dans l'anoblissement d'un genre, la folk phase, phase d'identification communautaire, la pop phase, phase d'industrialisation massive de la production, et la fine arts phase, phase d'adoubement élitaire
7. l'éclectisme est, selon l'analyse statistique de Coulangeon, propre à un certain niveau économique. Cette contrainte économique, cela étant, ne s'exerce pas avec la même force selon le genre musical concerné.
En conclusion, il semble que la spécification apportée par l'article est une justification, par des statistiques relativement récentes, portant sur des auditeurs français, de la thèse de Peterson et Simkus, qui corrige la thèse de Bourdieu en minimisant l'importance de la légitimité des produits culturels dans la constitution des goûts. Selon Bourdieu, une production populaire ne peut être valorisée aux yeux d'une personne éduquée que si, dans son propre domaine (par exemple la musique électronique), elle a reçu une certaine forme de légitimation (par exemple, la musique d'Aphex Twin depuis qu'il a été invité par Stockhausen à jouer dans son festival). Coulangeon démontre que l'éclectisme des classes dominantes n'implique pas nécessairement cette validation annonciatrice de reconnaissance institutionnelle ; cela étant, cet éclectisme reste un privilège de classe. (nota bene: je ne vois pas trop en fait en quoi cela diffère de la thèse de Bourdieu, ça me semble être en fait exactement ce qu'il dit).
Pour ce qui est de la musique électronique, je pense que les points évoqués peuvent être facilement vérifiés:
1. la prédilection des journaux musicaux, de The Wire à Trax en passant par les Inrocks ou Pitchfork Media, pour les portraits en blind test ou en inventaires discographiques confirme l'hypothèse première.
2. Le contenu de ces portraits valide la seconde hypothèse (cf. portrait de James Murphy). Un blog tel que celui des Dirty Soundsystems, collaborateurs de Colette, prouve également le prestige de l'éclectisme.
3. Je me souviens d'une exposition Ninja Tune au Palais de Tokyo, preuve de l'attirance des lieux institutionnels huppés pour les musiques urbaines populaires. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres du « privilège de symétrie » des classes dominantes. Je suis sûr que vous avez vos propres exemples.
4. Le discours critiques sur la musique électronique mêle en effet des catégories classant la musique selon des caractéristiques esthétiques (house, techno, electro, etc) et des catégories classant selon la fonctionnalité, le mode de consommation (intelligent techno, IDM, dance, etc).
5. L'institution (revue, salle, label, etc) la plus éclectique n'est jamais complètement éclectique: un label aux activités et aux musiques aussi variées que Jarring Effects ne proposera pas de house filtrée façon French Touch, irréconciable avec ses prétentions politiques. De même, le Paris Paris ne propose pas de créneaux aux formes de musiques promues par Jarring Effects, même si des recoupements partiels sont possibles.
6. L'histoire de la techno valide cette affirmation numéro 6. La fac de musicologie de Rennes propose même un cours sur la techno.
7. Il est évident que l'éclectisme coûte des sous ; pas tant pour se procurer la musique, grâce aux téléchargements, que pour acquérir un tant soi peu de discours sur les musiques écoutées, sans quoi l'éclectisme serait purement arbitraire. Il faut donc, au minimum, acheter des revues, aller à des concerts, où on est susceptible de discuter avec des spécialistes, et se procurer quand même quelques disques, pour concrétiser son attachement aux genres pratiqués et avoir quelques gages de bonne foi mélomane.
J'en profite pour rajouter cet article de Laurent Tessier, daté de 2003. Il ne s'appuie malheureusement pas sur des éléments statistiques ni sur une enquête très méthodique, mais offre quelques pistes intéressantes sur le versant politique des cultures techno, en prenant pour objet les free parties. On peut déplorer quelques facilités, le rappel historique clairement orienté à la faveur de la thèse soutenue, par exemple (et pourtant l'auteur rappelle la difficulté réelle de tracer une histoire de la techno), ou le parallèle douteux entre les politiques publiques de gestion de la toxicomanie et la legislation sur les fêtes techno.
Ce qui me paraît surtout intéressant, c'est la volonté, que l'on peut relever dans de nombreux essais de théorisation des phénomènes techno, de vouloir poser la question de la dimension collective. Comme toute scène musicale, la musique électronique s'appuie sur un réseau de structures sociales spécifiques: labels, associations, salles de spectacles, boîtes, forums internet, presse spécialisée, etc. Laurent Tessier réfute la lecture communautariste du mouvement techno proposée par Michel Maffesoli (la fête techno comme retour de l'imaginaire orgiaque hippie), mais ne manque pas lui même de passer de la consommation musicale à la revendication d'un mode de vie collectif, fût-il l'opposé de celui décrit par Maffesoli. Pourtant, il ne me semble pas évident de vouloir voir de la communauté, qui plus est homogène dans toutes ces structures. Au fond, s'il y a un modèle social techno, à quoi ressemble-t-il? Dur à dire. C'est là que l'article de Tessier me paraît plus convaincant: il repère bien le caractère ad hoc du contenu idéologique des free parties, assemblage plus ou moins original de contre-culture punk et de collectivisme alter-mondialiste. Il relève, par exemple, que le collectif Technopol est né d'un besoin des organisateurs de lutter contre l'association des patrons de boîtes de nuit lyonnaises, leur rival auprès de la préfecture, et non pas d'une volonté de fédération communautaire. Chercher à lire un modèle politique dedans reviendrait à occulter l'implication très sporadique des différentes acteurs dans ce milieu (seule une fraction infime des teufeurs en font leur vie) et sur la dimension proprement élitaire de ce milieu, qui s'affiche comme réseau d'initiés.
Quoi qu'il en soit, ça mérite d'être lu et ça fait réfléchir aux connexions entre une scène musicale donnée et son contexte social d'écoute. Par exemple, qu'est-ce qu'un label? Voilà une sacrée question.
En vrac:
Et enfin, j'ai bricolé un deuxième mix, en assemblant une douzaine de morceaux dans Ableton Live. C'est un peu comme un film pour les oreilles, un film qui retranscrit avec brio l'intensité de ce moment délicat qu'est l'épreuve du feu de camp.
1. Ennio Morricone - Victima Pascbali Laudes
2. Cosmo Vitelli - Delayer (Quiet Village Remix)
3. Force Of Nature - Liberate
4. Jan Hammer - Crockett Theme
5. Antenna - Camino Del Sol (Todd Terje Remix)
6. Tricky Disco - Tricky Disco (Plone Remix)
7. Lucien N. Luciano - Una Cancion
8. Naughty - World Of A Woman
9. Random Factor - Convergence
10. Stereo Total - Das Erste Mal (Justus Kohncke Remix)
11. Afx - Analogue Bubblebath 4 (Track 2)
12. Baby Oliver - Hypocondriac
13. Chicago - If You Leave Now
c'est là: clic
bye
- L'autobiographie de Frank Zappa est très recommandable. Il y expose des vues pleines de bon sens, telle sa déposition lue devant une commission de sénateurs américains pour statuer sur l'étiquettage des disques à caractères licencieux, dans laquelle il explique qu'une loi anti-masturbation coûterait très cher et risquerait de remplir les prisons trop vite. Il explique aussi dans ce livre avoir baptisé un de ses enfants du surnom donné à un des orteils de sa femme. Et pour tous ceux qui se demandent pourquoi Captain Beefheart s'appelait ainsi, la réponse est dans ce livre, de la bouche même de Zappa. à lire.
- écouter trois albums d'Animal Collective à la suite donne la migraine.
- Le deuxième album de l'année sorti par Matthew Dear est très bon pour écouter à fond chez soi. d'une traite.
- L'article de Philippe Coulangeon sur la stratification sociale des goûts musicaux, trouvé par hasard sur le net, est aussi illisible dans ses outils statistiques que clair dans ses rappels théoriques. Plus de détails après.
- La nouvelle version d'Intervilles n'est pas très bien. Coup de chapeau à Monsieur Lepers malgré tout. Quel talent! Je pense par ailleurs que Marseille a ourdi un complot assez vilain pour disqualifier les candidats de Nîmes au mur des champions.
- L'album de Black Strobe est définitivement bizarre.
- Phantom part II de Justice est aussi sympa que la part I était irritante.
- Quand Uffie se met à chanter j'ai envie de me crever les tympans avec un tournevis rouillé.
- L'album de Pantha du Prince est un puissant narcotique.
- Je n'ai pas la moindre idée de la façon dont If you leave me now de Chicago s'est retrouvé dans mon disque dur.
- Bon film: A Boy And His Dog. Ne pas louper les dernières minutes.
- Les petits mixs d'Optimo à choper sur leur site web sont vraiment chouettes.
- Regarder le foot en crypté sur canal plus, c'est pas si mal, au fond.
- Trouver du Dr Pepper au supermarché peut être le point culminant d'une semaine de vacances.
- Le remix de Shackleton par Villalobos est très chouette.
- D'après Pierre Bourdieu, la banane est aux fruits ce que le haricot blanc est aux légumes. Dans la même page (La distinction p. 20), il offre également les bases d'une sociologie des céréales. Avis aux chercheurs oisifs.
- I'm A Cliché est un très bon label, malgré son nom et la présence d'un disque de Tacteel dans son catalogue.
- France 3 aquitaine n'a pas parlé de la mort de Tony Wilson... Je l'apprends avec deux semaines de retard. J'étais allé le voir en conférence à Lyon, il y a trois ans. Il avait été vraiment passionnant...
- j'ai décidé de changer de police pour les articles. On se lasse de tout à force.
Pour ce qui est de l'article (à télécharger en pdf) évoqué plus haut, "la stratification sociale des goûts musicaux", de Philippe Coulangeon, revue française de sociologie, 2003, qui se veut une spécification de la thèse développée dans les premiers chapitrees de la distinction de Pierre Bourdieu, je retiens sept points pour l'avenir:
1. les goûts musicaux sont une caractéristique particulièrement classante (en tant que culture non scolaire) socialement. cf. La Distinction
2. Peterson et Simkus, 1992, avancent l'idée selon laquelle l'éclectisme caractérise les goûts musicaux des classes dominantes ; c'est du moins la dynamique actuelle. L'attirance exclusive pour les arts savants renvoie à une forme de snobisme. (≠ La Distinction, Bourdieu y soutient que les formes de cultures les plus légitimes sont les plus classantes).
3. Dictinction entre produits consommés et manières de consommer, ainsi, le goût des classes dominantes pour les arts populaires relèvent d'un « privilège de symétrie dont disposent les dominants », en d'autres termes, un « droit de cuissage symbolique » (Grignon et Passeron, 1989).
4. Distinction entre les définitions génériques s'appuyant sur des critères esthétiques et celles qui prennent en compte des critères fonctionnels
5. L'importance de l'éclectisme n'est flagrante que si on la complète par une combinatoire des genres musicaux écoutés. L'éclectisme total n'existe pas de manière significative. (cf La Distinction, dont l'étude statistique sur les goûts musicaux permet de voir qu'à l'intérieur de chaque genre musical se rejoue la hiérarchie de la légitimité).
6. Peterson et Simkus: trois phases dans l'anoblissement d'un genre, la folk phase, phase d'identification communautaire, la pop phase, phase d'industrialisation massive de la production, et la fine arts phase, phase d'adoubement élitaire
7. l'éclectisme est, selon l'analyse statistique de Coulangeon, propre à un certain niveau économique. Cette contrainte économique, cela étant, ne s'exerce pas avec la même force selon le genre musical concerné.
En conclusion, il semble que la spécification apportée par l'article est une justification, par des statistiques relativement récentes, portant sur des auditeurs français, de la thèse de Peterson et Simkus, qui corrige la thèse de Bourdieu en minimisant l'importance de la légitimité des produits culturels dans la constitution des goûts. Selon Bourdieu, une production populaire ne peut être valorisée aux yeux d'une personne éduquée que si, dans son propre domaine (par exemple la musique électronique), elle a reçu une certaine forme de légitimation (par exemple, la musique d'Aphex Twin depuis qu'il a été invité par Stockhausen à jouer dans son festival). Coulangeon démontre que l'éclectisme des classes dominantes n'implique pas nécessairement cette validation annonciatrice de reconnaissance institutionnelle ; cela étant, cet éclectisme reste un privilège de classe. (nota bene: je ne vois pas trop en fait en quoi cela diffère de la thèse de Bourdieu, ça me semble être en fait exactement ce qu'il dit).
Pour ce qui est de la musique électronique, je pense que les points évoqués peuvent être facilement vérifiés:
1. la prédilection des journaux musicaux, de The Wire à Trax en passant par les Inrocks ou Pitchfork Media, pour les portraits en blind test ou en inventaires discographiques confirme l'hypothèse première.
2. Le contenu de ces portraits valide la seconde hypothèse (cf. portrait de James Murphy). Un blog tel que celui des Dirty Soundsystems, collaborateurs de Colette, prouve également le prestige de l'éclectisme.
3. Je me souviens d'une exposition Ninja Tune au Palais de Tokyo, preuve de l'attirance des lieux institutionnels huppés pour les musiques urbaines populaires. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres du « privilège de symétrie » des classes dominantes. Je suis sûr que vous avez vos propres exemples.
4. Le discours critiques sur la musique électronique mêle en effet des catégories classant la musique selon des caractéristiques esthétiques (house, techno, electro, etc) et des catégories classant selon la fonctionnalité, le mode de consommation (intelligent techno, IDM, dance, etc).
5. L'institution (revue, salle, label, etc) la plus éclectique n'est jamais complètement éclectique: un label aux activités et aux musiques aussi variées que Jarring Effects ne proposera pas de house filtrée façon French Touch, irréconciable avec ses prétentions politiques. De même, le Paris Paris ne propose pas de créneaux aux formes de musiques promues par Jarring Effects, même si des recoupements partiels sont possibles.
6. L'histoire de la techno valide cette affirmation numéro 6. La fac de musicologie de Rennes propose même un cours sur la techno.
7. Il est évident que l'éclectisme coûte des sous ; pas tant pour se procurer la musique, grâce aux téléchargements, que pour acquérir un tant soi peu de discours sur les musiques écoutées, sans quoi l'éclectisme serait purement arbitraire. Il faut donc, au minimum, acheter des revues, aller à des concerts, où on est susceptible de discuter avec des spécialistes, et se procurer quand même quelques disques, pour concrétiser son attachement aux genres pratiqués et avoir quelques gages de bonne foi mélomane.
J'en profite pour rajouter cet article de Laurent Tessier, daté de 2003. Il ne s'appuie malheureusement pas sur des éléments statistiques ni sur une enquête très méthodique, mais offre quelques pistes intéressantes sur le versant politique des cultures techno, en prenant pour objet les free parties. On peut déplorer quelques facilités, le rappel historique clairement orienté à la faveur de la thèse soutenue, par exemple (et pourtant l'auteur rappelle la difficulté réelle de tracer une histoire de la techno), ou le parallèle douteux entre les politiques publiques de gestion de la toxicomanie et la legislation sur les fêtes techno.
Ce qui me paraît surtout intéressant, c'est la volonté, que l'on peut relever dans de nombreux essais de théorisation des phénomènes techno, de vouloir poser la question de la dimension collective. Comme toute scène musicale, la musique électronique s'appuie sur un réseau de structures sociales spécifiques: labels, associations, salles de spectacles, boîtes, forums internet, presse spécialisée, etc. Laurent Tessier réfute la lecture communautariste du mouvement techno proposée par Michel Maffesoli (la fête techno comme retour de l'imaginaire orgiaque hippie), mais ne manque pas lui même de passer de la consommation musicale à la revendication d'un mode de vie collectif, fût-il l'opposé de celui décrit par Maffesoli. Pourtant, il ne me semble pas évident de vouloir voir de la communauté, qui plus est homogène dans toutes ces structures. Au fond, s'il y a un modèle social techno, à quoi ressemble-t-il? Dur à dire. C'est là que l'article de Tessier me paraît plus convaincant: il repère bien le caractère ad hoc du contenu idéologique des free parties, assemblage plus ou moins original de contre-culture punk et de collectivisme alter-mondialiste. Il relève, par exemple, que le collectif Technopol est né d'un besoin des organisateurs de lutter contre l'association des patrons de boîtes de nuit lyonnaises, leur rival auprès de la préfecture, et non pas d'une volonté de fédération communautaire. Chercher à lire un modèle politique dedans reviendrait à occulter l'implication très sporadique des différentes acteurs dans ce milieu (seule une fraction infime des teufeurs en font leur vie) et sur la dimension proprement élitaire de ce milieu, qui s'affiche comme réseau d'initiés.
Quoi qu'il en soit, ça mérite d'être lu et ça fait réfléchir aux connexions entre une scène musicale donnée et son contexte social d'écoute. Par exemple, qu'est-ce qu'un label? Voilà une sacrée question.
En vrac:
- Au détour d'une rediffusion nocturne de Capital, j'ai appris que David Guetta facture ses prestations de Dj jusqu'à 25000€, que Bob Sinclar lui fait une ristourne quand il se produit dans les soirées Guetta, soit seulement 15000€ (même si dans le reportage, à la question « jouez-vous gratuitement pour votre ami David? », il répond « Bien sûr. ». C'est Guetta lui-même qui rectifie ce détail financier devant la caméra.), qu'une soirée Guetta à Ibiza coûte 35000€ à organiser et qu'elle rapporte un peu moins d'un tiers du cachet de David en bénéfice. Apparemment les bénéfices sont plus symboliques que financiers, une bonne soirée à Ibiza permet de faire fructifier par la suite les autres produits Guetta: prestations dj, parfums, disques, restaurants. On y a vu aussi David nous présenter son set-up de producteur, et soutenir qu'avec 5000€ de budget on est équipé à vie (il dispose visiblement d'une platine cd, d'un portable mac et d'un controller midi), ce qui ne manque pas de sel de la part d'un type qui devant les mêmes caméras de M6 il y a quelques années ne faisait pas mystère du fait qu'il ne produit pas lui-même sa musique (on le voyait donner ses consignes à Joachim Garraud et expliquer qu'il ne lui paraissait pas utile de faire lui-même ce que Garraud pouvait faire mieux et plus vite). Il nous a expliqué comment il en est venu à sortir son remix de Bowie (qui aurait « adoré » son remix), en expliquant que ce single était co-produit par lui et le management Bowie. D'après le journaliste, il perçoit 5% des royalties du morceau. Je ne sais pas si vous avez regardé, en tout cas, c'était rigolo, il force la sympathie le bougre, il faut bien l'avouer.
- Un jour, j'ai vu un reportage sur Justice dans le journal de 20h de TF1. On les présentait comme le nouveau phénomène de la musique électronique (et la présentatrice, Lapix, s'est empressé d'ajouter, « une fois de plus, ce sont des français »). On les a vus toucher leurs ordis en public et parler autour d'un petit verre backstage, ils expliquaient que leur succès était dû au fait que, n'ayant pas de background electro, ils n'avaient pas à assummer l'héritage militant de ces genres. C'était étonnant comme réponse, la question devait être bizarrement tournée. Le journaliste en voix off soulignait aussi que le symbole de la croix contribuait au succès; le reportage concluait ainsi sur les visuels du groupe, un des deux gars disant qu'ils collaboraient étroitement avec un graphiste (leur profession initiale) pour définir « l'identité picturale » du groupe.
Et enfin, j'ai bricolé un deuxième mix, en assemblant une douzaine de morceaux dans Ableton Live. C'est un peu comme un film pour les oreilles, un film qui retranscrit avec brio l'intensité de ce moment délicat qu'est l'épreuve du feu de camp.
1. Ennio Morricone - Victima Pascbali Laudes
2. Cosmo Vitelli - Delayer (Quiet Village Remix)
3. Force Of Nature - Liberate
4. Jan Hammer - Crockett Theme
5. Antenna - Camino Del Sol (Todd Terje Remix)
6. Tricky Disco - Tricky Disco (Plone Remix)
7. Lucien N. Luciano - Una Cancion
8. Naughty - World Of A Woman
9. Random Factor - Convergence
10. Stereo Total - Das Erste Mal (Justus Kohncke Remix)
11. Afx - Analogue Bubblebath 4 (Track 2)
12. Baby Oliver - Hypocondriac
13. Chicago - If You Leave Now
c'est là: clic
bye
4 commentaires:
fais des tshirts avec la phrase sur uffie
Yo,
Sur l'article de Coulangeon:
Si les chiffres sont relativement récents (dernière enquête sur les pratiques culturelles des français datée Donnat en 1997), il y a toujours un problème à utiliser ces chiffres: la catégorisation construite par Donnat essentialise les goûts des classes populaires mais aussi et peut-être même plus ceux des jeunes générations. En effet, sont regroupés sous le même item "variétés internationales" des genres tel que "disco, dance, techno, funk, etc...) (NB.:On se demande d'ailleurs ce que signifie ce "etc" sociologiquement parlant!) et donne l'illusion d'une uniformité des goûts de la jeunesse actuelle selon les différentes classes sociales.
Une étude particulière sur ces domaines musicaux seraient intéressante et peut-être relativiserait encore la portée du modèle omnivore/univore puisqu'elle permettrait de montrer quels sont les formes symboliques en voix de légitimation. A cette occasion, nous pourrions surement constater qu'une partie de la classe des "omnivores" correspond plus à un élitisme de "dominant dominé" (enseignants, universitaires, cadres du public...) qui comme l'a montré Bourdieu, tendent à être proches de l'innovation et de l'avant-garde culturelle soit des pratiques en voix de légitimation.
D'ailleurs, il me semblait que le cycle de récupération des pratiques culturelles populaires commençait plutôt par les avants-gardes culturelles et se poursuivait par l'industrie, le commerce. (cf Passeron, Le Savant et le populaire) Tu as semé le trouble en moi.
Bref, Coulangeon c'est génial.
Pour Tessier, je trouve son article très intéressant mais je me demande si c'est pas le même labo que ma fesse ce qui me fait penser que peut-être il est le fils de tusaisqui du même nom.
Sinon dans la catégorie socio des musiques électroniques de l'été (et pour finir par le meilleur dans la catégorie "mais où va la socio???") je te conseille Anne Petiau, elle a fait un grand article dans la revue "Sociétés" et maintenant il semblerait qu'elle se soit reconvertie dans l'analyse du mouvement "tecktonik" (un grand mouvement d'ailleurs)Voilà un avant-gout: http://www.lejdd.fr/cmc/societe/200733/la-tecktonik-fait-vibrer-les-ados_45538.htm
PS.: Tecktonik et Anne Petiau c'était juste pour le plaisir de t'amener de nouveaux lecteurs de qualité sur ton blog et en améliorer le référencement.
On en discute autour d'une bière dans un club gay hitlérien en cuir?
hello pierrette,
j'ajouterais à ton commentaire que l'article, étant strictement articulé autour de l'analyse statistique, noie un peu la question des façons de consommer la musique; et ça renforce aussi l'illusion dont tu parles. Mais là où Coulangeon voit juste, c'est quand il repère que les catégories de l'enquête sont pour certaines définies par des contenu esthétiques et pour les autres par des fonctions, des types d'usage. IL y a là des pistes à creuser pour des études futures. Je pense que cette distinction appliquée au différents découpages en catégorie des musiques électroniques éclaire de manière intéressante ces genres (je l'ai brièvement dit dans le blog).
et d'autre part je crois savoir de qui viennent tes envies de bières dans des clubs homonazis. ça m'intéresse. je commence à sortir la tête de l'eau question sous, ça peut se négocier dans un univers pas très lointain.
tu es parti avec tes carnets de notes ?
j'aurais du faire pareil, on est traversé par tellement de pensées quant on est en terre étrangère
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